Il neige à Rome. Beaucoup. Pas des transports, écoles fermées, Colisée vide. Rares voitures dans les rues. La ville comme personne ne l’a jamais vue.

Catherine de Russie fit tailler une maison dans la glace, avec son salon, ses chambres. Deux nains, un garçon et une fille, furent obligés d’y rentrer pour s’aimer dans ce palais fatal. Les courtisans les retrouvèrent le matin suivant. Morts, l’un dans les bras de l’autre. En tout cas, c’est ce qu’écrit Mario Praz dans « La Casa della Vita ».   

La Pie de Monet, à Orsay. Qu’est ce qu’ils sont difficiles, les tableaux avec la neige, parce que le blanc en peinture ne ressemble point au blanc en nature. Monet se dépasse en virtuosité. La tache noire de la pie anime le blanc mêlé aux touches bleu, grises, marrons.  Silence et jouissance à la fois. Magnifique.

Orlando de Virginia Woolf, dédié à Vita Sackwille West, qui nous a laissé des romans, oubliés, et un jardin inoubliable.  Ce roman merveilleux commence avec le grand froid de Londres. La Tamise a gelé jusqu’à six mètre de profondeur. A travers la glace on voit distinctement une vieille vendeuse de pommes, pétrifiée et souriante, qui tend encore ses fruits aux clients.

Dans le palais Doria Pamphilj le Paysage hivernal de Breughel l’Ancien, une des répliques de l’original conservé à Bruxelles. La rivière gelée du village  est devenue une piste pour les patineurs. Deux copains percent un trou dans la glace pour y pêcher. Les hommes minuscules s’amusent, au dessus d’eux les branches squelettiques des arbres et les corbeaux contrastent avec la blancheur dominante et introduisent une note sinistre.  Présage ?  Peut être, mais pour le moment réjouissons nous de la neige.

Enfin, la danse des Flocons de neiges de Casse-noisette de Tchaïkovski.  Les danseuses virevoltent comme les flocons que je vois aujourd’hui de ma fenêtre. Aussi légères,  juste un peu moins éphémères.   A la fin du spectacle, on se démaquille vite, parfois un amant vous attend à la sortie des artistes, ou juste le dernier métro pour rentrer.

Milan était immobile dans la neige et, je m’en souviens parfaitement, la cloche de Sant’Eustorgio a sonné le minuit. Il y a des moments où nous sommes immortels. Présage ? Peut être. Pour le moment, réjouissons nous de la neige.