Andrea Pozzo était un magicien, venez découvrir son chef d’œuvre dans une des églises les plus étonnantes de la Contreréforme

Nous sommes dans l’église de Saint Ignace, fondateur du très puissant ordre des jésuites. Son plafond est célèbre à Rome. A 30 mètre de hauteur le peintre Andrea Pozzo, lui-même frère jésuite, représente en trompe l’œil le Triomphe de la Société du Jésus. La fresque représente une percée dans le plafond qui permet de voir le ciel. A cette époque les protestants contestaient la primauté de Rome. Cette fresque leur répond : l’église de Rome est en communication avec le ciel. Au centre se trouve le Christ, dont la lumière frappe directement Ignace, assis sur les nuages parce que canonisé, c’est-à-dire fait saint, événement ayant eu lieu en 1622. Partant d’Ignace la lumière rebondit sur les autres jésuites, missionnaires, dans les quatre continents connus à l’époque. L’Europe, toujours caractérisée par le cheval, signe de civilisation, trône souveraine.

Le Christ, pur esprit, est diaphane. Au fur et à mesure que le regard descend vers la terre les personnages gagnent en matière, musculature et couleurs. Le nom Ignace possède la racine du mot latin ignis, feu. Ignace a dit qu’il était venu mettre le feu de la parole divine au monde. Voilà que des putti armés de torches précipitent vers le sol les Vices, figures tragiques et contorsionnées. Selon un contemporain Pozzo n’aurait mis que trois ans (1691-1694) pour peindre cette voute immense, mais il n’aurait dévoilé son œuvre que deux ans après, par crainte qu’on ne l’accuse d’avoir bâclé le travail.

A présent, regardez le dôme. Sombre, n’est ce pas ? Il n’est pas sombre, il est sale, parce que ce n’est pas un vrai dôme, c’est une toile, c’est plat. L’argent manquant pour construire le vrai dôme, dont il nous reste la maquette, le même frère Pozzo, géomètre et mathématicien, comme beaucoup de jésuites, a peint aussi un faux dôme en trompe l’œil. Parfait, jusqu’à la lumière qui pénètre par les fenêtres (1685).
Dans le transept se trouve un chef d’œuvre d’un grand sculpteur français qui a fait sa carrière à Rome, Pierre II Legros. Pozzo a dessiné l’autel, qui abonde d’ornements et de couleurs, et s’inspire du célèbre autel de Saint Ignace dans l’église du Jésus. Mais Legros calme le jeu, avec un retable en marbre blanc, où il rejette la déclamation baroque en faveur d’une image touchante. Un jeune garçon, Louis Gonzague au lieu de se tourner vers le ciel, baisse son regarde, humble, en signe di recueillement (1700).

Nous devons cette église à la munificence de la famille Ludovisi. Dans une chapelle presque cachée nous découvrons le grandiose monument du pape Grégoire XV, qui canonisa Saint Ignace, et de sont neveu cardinal, qui paya la construction de l’église. C’est encore Legros qui a dessiné ce monument grandiose, peut être un peu trop pour un espace si exigüe. L’esprit de Bernin plane sur le geste oratoire du pape et sur le magnifique rideau de marbre.

Ne manquez pas de visiter Saint Ignace, vous verrez que l’art de la Contreréforme vous réserve encore bien de surprises.