Mea culpa. Ce morceau de Rossini – un « péché de vieillesse », comme il l’appelle- me semblait opposer, sous le faux semblant de «  L’innocence italienne, la candeur française »,  la naïveté italienne à la frivolité française. Je n’avais rien compris, c’était beaucoup plus subtil que ça. Je m’en suis aperçu en écoutant l’interprétation de Michele Campanella, que vous trouvez ci-dessous. L’Innocence italienne n’est pas du tout telle, elle est sournoise, cache des ruses, c’est une sainte nitouche qui est prête à vous soudoyer. Soudainement jaillit (1’18’’) l’autre nature nationale, enjouée, moqueuse et insouciante. Attend, je te tromperai plus tard, là je dois danser une tarentelle, demain il pourrait être trop tard. Le vieux Rossini nous connaissait bien. Mais il vivait depuis si longtemps à Paris, à Passy, que tous les jours il devait, comme il m’arrive aussi, s’interroger sur les  différences entre nos deux cultures. Et voilà que l’ainsi dite Candeur française (3’42’’) ne fait même pas semblant d’en être une. Brillante, spirituelle, la musique égrène les notes comme une conversation pétille de mots.  Les gammes brodent comme un marivaudage élégant  et vain : il n’a d’autre but que d’occuper agréablement l’instant, car on est trop intelligents pour se leurrer que le futur sera vraiment différent.  Campanella, qui est italien, ça, l’a moins compris, il joue trop et ne s’oublie pas assez. Légèreté, ne pas s’accrocher, lâcher prise. Ne pas se prendre au sérieux…Le génie Rossini, qui arrête à trente ans d’écrire des opéras immortels, pour mourir à  soixante-dix, l’avait bien compris.