(Ames sensibles s’abstenir)

Depuis quatre heures le public regarde les combats d’animaux. Une pause pour manger s’impose. On ne peut pas s’éloigner, quitte à ne plus retrouver sa place libre.  Mais le repas furtif sera égayé, sur scène, par des exhibitions de jongleurs et de Meridiani. Les Meridiani étaient les condamnés à mort, qui mouraient sur l’arène à midi. Des prisonniers de guerre, dans le premiers temps, puis des criminels.

En voilà un (1), amené sur un chariot, attaché à un poteau, les mains liées derrière le dos. Un homme le pousse vers le tigre qui va le dévorer. Pour s’assurer que l’animal soit suffisamment furieux – pas contents de l’avoir affamé pendant plusieurs jours et parfois avoir même tué, pour exciter sa rage, ses petits  sous ses yeux – un autre homme le fouette.   Parfois le condamné se rend à pied au supplice, comme dans cette mosaïque (2) ou le tigre déjà lui dévore le visage. L’homme qui est chargé de le pousser vers l’animal ne devait pas se sentir très tranquille lui non plus…

Les bestiari, les hommes entrainés à se battre contre les animaux, étaient habillés. Nous reconnaissons le condamnés ad bestias, à savoir condamnés à être dévorés par les fauves, parce qu’ils sont nus.  C’est le cas du jeune homme (3) qui a la fâcheuse tache d’attraper avec une hampe dotée d’un crochet la chaine qui lie un ours et un taureau. Déjà les animaux ne semblent pas de bonne humeur, je vous laisse imaginer ce qui s’est passé  quand l’homme a commencé à les tirer vers lui.

Vous me direz : pourquoi l’homme n’essayait pas de sauver ?  Je vous fais un exemple. Une fois le public a vu un homme, sans doute un voleur,  garder sa main sur une flamme jusqu’à quand elle n’a été complètement carbonisée (4).  Les romains lui avaient dit que s’il retirait la main il lui aurait mis la tunica molesta (ça veut dire tunique gênante, et décidément c’était le cas). Il s’agissait d’une tunique qu’on avait auparavant imprégnée de résine gaudronnée et puis on y mettait le feu. Vous serez d’accord qu’il vaut mieux perdre une partie (la main) que le tout…

On ne peut pas s’étonner que parfois les condamnés à mort se suicidaient avant d’aller sur l’arène. Sénèque (5) relate l’histoire d’ un homme transporté sur un char vers le lieu du supplice. Il s’est penché vers l’extérieur et soudainement il a mis la tête parmi les rayons de la roue. Avec le résultat souhaité.

Après ce florilège d’horreurs, vous voulez savoir pourquoi les romains étaient ci cruels ? Il vous faudra attendre, parce que d’autres florilèges vont suivre. Le spectacle au Colisée terminait avec les gladiateurs.

  • Tripoli, Musée archéologique, I d.C.
  • El Djem, Domus Sollertiana, Tunisie
  • Tripoli, Musée Archéologique, I d.C.
  • C’était la mise en scène d’un épisode célèbre de l’histoire romaine, celui de Muzio Scevola. Il brula la main (la sienne) qui avait raté le coup contre l’ennemi
  • Sénèque, Epistualae, VIII, 70,23