Si vous venez à Rome avant  le 4 février, ne manquez pas l’exposition Bernin à la Galleria Borghèse.

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C’est vrai, les œuvres les plus époustouflantes – comme l’Apollon et Daphné – sont les quatre toujours présentes dans la collection permanente. Mais en plus on peut voir des œuvres du père de Bernin, Pietro, celles faites à quatre mains avec son fils et, véritable fleuron de l’exposition, les deux bustes  du Salvator Mundi.

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J’adore cette statue de l’Hiver. Elle fait partie d’un groupe des Quatre Saisons qui a été  attribué aux Bernin, père et fils, seulement en 1966 et est conservé au Metropolitan de New York. C’est vrai, comme le dit le catalogue, que ce bon homme sournois se situe entre les barbares prisonniers sur l’arc de Septime Sévère et le berger romain, abrité sous son capuchon. Mais c’est surtout un schtroumpf, une image qui se veut ironique et ne s’encombre pas de partis pris sur le grand art. La sculpture est un art cher et comme tel souvent conservateur. La liberté avec la quelle Pietro Bernini  réinvente l’allégorie de l’hiver, et le brio du traitement de la fourrure, qui contraste avec les grandes surfaces planes, nous disent que déjà le père était un grand artiste.

La section consacrée aux portraits est la plus nourrie en œuvres.  Busto re Les français  connaissent le plus beau portrait d’un roi fait par Gian Lorenzo, celui de Louis XIV, conservé à Versailles.   Nombre de portraits à l’exposition illustrent la même formule, celle de la speaking likeness, la ressemblance parlante, selon l’heureuse expression de Wittkower. Bernin refuse la pose immobile et étudie le personnage pendant sa vie quotidienne, quand il rencontre des invités, même pendant qu’il joue au jeu de paume.  Il finit par lui arracher non pas le semblant, mais le sens, il représente non seulement le visage mais le trait le plus saillant de la personnalité.  Scipione Borghese fut le premier commanditaire de Bernin , quand celui-ci n’avait que  dix-neuf ans.

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Plus tard Bernin le représentera dans ce buste célèbre, vieilli, bouffi, déjà malade mais avec l’esprit qui pétille dans son regard, pendant qu’il s’adresse à un ami. Le buste était achevé quand un défaut du marbre produisit une cassure irréparable.  Selon la légende berninienne, prônée par le fils de Bernin, Domenico, en trois jours l’artiste  fit un autre buste, presque identique. Et si à l’exposition vous vous arrêterez, séduits,  devant cette jeune fille sensuelle et volontaire, vous aurez partagé ce que Bernin ressantait. Costanza Bonarelli était sa maîtresse. Femme généreuse, elle dispensait ses faveurs aussi au frère de Bernin. Quand le sculpteur le découvrit, il faillit tuer son frère et ordonna à un domestique de balafrer la fille. Heureusement, il n’en fut rien.

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Enfin, vous terminerez avec la dernière œuvre du vieux Bernin, le buste du Salvator Mundi. Mais…il y en a  deux, celui de Rome et l’autre, conservé à Norfolk. Un des deux est une copie, mais lequel ? On serait tenté de dire que le plus achevé, le mieux sculpté, le romain,  est l’original. Rien de moins sûr, et même, je suis de l’avis opposé.  Je chéris l’idée que, à la fin d’une longue vie, l’esprit puisse percer l’apparence des choses. Je vous laisse en juger…